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La responsabilité du dirigeant face à l’action ut singuli des associés : les trucs et astuces de la Cour d’appel de Paris pour la limiter !

La prévention du risque de mise en jeu de sa responsabilité est pour le dirigeant social, un enjeu majeur.

Nous le savons, les sources de responsabilité sont multiples.

Le dirigeant supporte à la fois une responsabilité civile et pénale.

S’agissant de la responsabilité civile, elle peut être mise en jeu par les tiers, mais également par la société elle-même et ses associés.

A l’égard de la société et des associés, le dirigeant est responsable des fautes qu’il commet dans la gestion de la société, dans la cadre de ce que l’on désigne sous l’action sociale.

En vertu de l’article 1843-5 du Code civil, l’action sociale peut être intentée contre les dirigeants sociaux en vue de la réparation du préjudice subi par la société :

– par le représentant légal de la société (ex : en cas de succession de dirigeants ou de co-gérance) ; on parle alors d’action ut universi ou,

– en cas d’abstention des représentants légaux, par les associés (ou actionnaires) ; on parle d’action ut singuli.

Mais voilà la qualité d’actionnaire / associé n’est pas nécessairement éternelle et la question se pose de savoir si cette action reste ouverte à l’actionnaire / associé qui perd cette qualité.

C’est à cette question que vient de répondre la Cour d’appel de Paris, aux termes d’un arrêt du 10 mars 2022 (RG n°13/18511).

Dans cette affaire, dans le cadre d’une société anonyme, l’actionnaire ayant engagé l’action ut singuli, avait en cours d’instance perdu sa qualité d’actionnaire à la suite d’une réduction du capital social et l’annulation de ses titres.

La Cour en a déduit qu’il ne pouvait plus exercer l’action ut singuli !

Pour motiver sa décision, la Cour relève que l’action ut singuli est une exception au principe selon lequel nul ne plaide par procureur et qu’en raison du caractère exorbitant du droit, pour un associé d’agir au nom de la société (laquelle ne l’a pourtant pas mandaté à cette fin), les dispositions régissant l’action doivent être interprétées strictement.

La même solution était retenue quelques semaines après par la Cour d’Appel de Caen, aux termes d’un arrêt du 31 mars 2022, cette fois dans le cadre d’une SARL (CA Caen, 31 mars 2022, RG n°16/02837).

A bon entendeur, voici là une façon tentante de couper l’herbe sous le pied des actionnaires mécontents : une réduction de capital, un coup d’accordéon bien pensé et /ou la mise en œuvre d’une clause d’exclusion ou de rachat forcé et mon actionnaire récalcitrant se voit éconduit par la justice !

Ou s’agit-il pour les magistrats des Cours d’Appel de dissuader les plaideurs ?

Force est d’admettre que cette solution est bien conforme à la jurisprudence de la Cour de Cassation puisque celle-ci avait jugé par le passé :

– que la demande formée postérieurement à la cession de la totalité des titres était irrecevable (Cass. 2e civ. 12 nov. 1987, Gaz. Pal. 1988.1, panor. 31),

– qu’après cession des titres, l’action appartient exclusivement au cessionnaire (Cass. com. 26 janv. 1970, Bull. civ. IV, no 30, Rev. sociétés 1970.476).

Reste néanmoins que, dans le cadre d’une action groupée des associés de SARL, cette solution se heurte aux dispositions de l’article R223-31 du Code de Commerce précisant : « S’ils représentent au moins le dixième du capital social, des associés peuvent, dans un intérêt commun, charger à leurs frais un ou plusieurs d’entre eux de les représenter pour soutenir, tant en demande qu’en défense, l’action sociale contre les gérants. Le retrait en cours d’instance d’un ou plusieurs des associés mentionnés à l’alinéa précédent, soit qu’ils aient perdu la qualité d’associé, soit qu’ils se soient volontairement désistés, est sans effet sur la poursuite de l’instance ».

Cette contradiction mériterait d’être soumise à la sentence de la jurisprudence !

A suivre …